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L'histoire des mousquetaires français

La genèse des mousquetaires français

L’histoire des mousquetaires français est indissociable de l’évolution de l’armement militaire du XVIe et XVIIe siècles. C’est sous l’impulsion de grands militaires que les premiers mousquetaires français verront le jour jusqu’à l’avènement des prestigieux Mousquetaires de la Garde du Roi, symbole de l’élite militaire française, gravant à tout jamais leur image dans l’histoire et l’imaginaire collectif.

Par Francompagnie | Dernière mise à jour : 07/12/2024

Lorsque vous admirez nos soldats marchant avec prestance, leur fusil sur l’épaule, il est difficile d’imaginer les siècles de recherches et d’innovations nécessaires pour perfectionner cette arme. Les débuts de l’armement portatif remontent aux « canons à main », de simples tubes de fer fixés sur des manches, apparus il y a cinq siècles. Ces rudimentaires ancêtres évoluèrent en couleuvrines, puis en arquebuses, préfigurant les fusils modernes. Le mousquet, une arquebuse de gros calibre, nécessitait encore une fourche pour être utilisé efficacement. Il fallut près de cinquante ans pour que cette arme imposante supplante l’arquebuse à rouet, marquant ainsi une étape clé dans l’histoire de l’armement militaire.

De l’apparition des mousquets…

Lors du siège de Parme en 1521 puis lors de la bataille de Pavie en 1525 [règne de François Ier (1515-1547), les Espagnols utilisent pour la première fois des mousquets, un perfectionnement de l’arquebuse particulièrement efficace réservé à la guerre de siège.

Cette sorte de fusil à mèche pouvait tirer des projectiles deux fois plus lourd que ceux de l’arquebuse et bien plus loin. Il était cependant si lourd et si puissant, qu’il nécessitait deux fois plus de poudre et l’emploi d’une fourchette stabilisatrice, la fourquine ainsi qu’un coussinet pour palier à la violence du recul. Le mousquetaire devait être accompagné d’un valet pour l’aider à porter l’arme et ses accessoires, un inconvénient qui empêchèrent le mousquet d’être adopté durant cette période par l’infanterie française.

Mousquet à mèche de rempart (XVIème) © musée de la fortification et Jules Bastien-Lepage
Mousquet à mèche de rempart (XVIème) © musée de la fortification et Jules Bastien-Lepage

En 1567, lorsque le duc d’Albe (1507-1582) grand général espagnol, de passage avec ses troupes venant d’Espagne, alors en paix avec la France, fut envoyé en Flandre, en proie à des troubles, pour rétablir l’ordre aux Pays-Bas espagnols, le roi de France (Charles IX) fut si envieux des mousquetaires espagnols qu’il demanda à son commandement suprême de l’infanterie, Philippe Strozzi, qu’on copie les mousquets afin d’en équiper sa garde personnelle. Strozzi en fit fabriquer une centaine à Metz mais ces premiers modèles de mauvaise facture étaient très lourds et encombrants et il déconseilla au roi d’en faire équiper ses soldats.

Strozzi fit venir de Milan, qui était réputé pour la fabrique de ces armes, une vingtaine de mousquets espagnols modifiés. Ils arrivèrent au moment où l’on assiégeait La Rochelle en 1572. Il les fit répartir aux plus fidèles de ses capitaines de son régiment afin qu’ils eussent donné l’exemple. Pas encore équipés de bandoulières de mousquetaires avec les bonnes doses de poudre, il était d’usage d’utiliser une double charge d’arquebuse.

Citation de l’abbé Brantôme (Pierre de Bourdeilles, militaire et écrivain, 1540-1614) dans ses mémoires au sujet de M. d’Estrozze (Strozzi):
« C’a esté aussi le premier qui a mis l’usage des mousquetz en France, et certes avecqu’ une très grande peyne, car il ne trouvoit soldat qui s’en voulust charger : mais, pour les gaigner peu à peu, luymesmes au siège de La Rochelle en faisoit porter tousjours un à un page ou à un lacquays; et quand il voyoit un beau coup à faire, il tiroit… Je vis, et plusieurs avec moy, ledict M. d’Estrozze tuer un cheval, de cinq cens pas (env. 310 mètres), avecques son mousquet. »

Filippo di Piero Strozzi par Pierre Dumonstier

Philippe Strozzi

Le rôle prépondérant de Strozzi dans l’introduction du mousquet en France

Filippo di Piero Strozzi (1541-1582), Colonel des gardes royales (1561) puis Colonel général de l’infanterie française (1569-1581)

On doit beaucoup à Strozzi quant aux avancées technologiques des armes à feu dans l’armée française. Amateur de canons de gros calibres, il fit d’abord perfectionner l’arquebuse d’infanterie.

On lui est redevable de l’introduction des premiers mousquets dans l’armée française, bien que si longs et lourds à leurs débuts qu’aucun soldat ne voulait les utiliser. Surtout que contrairement aux Espagnols, Strozzi n’avait pas autorisé que ses mousquetaires soient accompagnés de serviteurs chargés de porter les mousquets pendant les marches. Il sut malgré tout les faire accepter en les adaptant et en les réduisant à des proportions plus maniables.

Illustration : Filippo di Piero Strozzi par Pierre Dumonstier – 1580

…à la naissance des mousquetaires français

Ainsi, les premiers mousquetaires à pied émergent dans l’infanterie française avec l’apparition des mousquets copiés sur les modèles espagnols. Sous l’impulsion de  Strozzi, qui s’appliqua à perfectionner l’armement des troupes dès le début du siège de La Rochelle (1572-1573) (règne de Charles IX) ; les mousquets, bien qu’encore encombrants, sont en augmentation dès 1574.

Lors de la bataille de Coutras, le 20 octobre 1587, qui verra la défaite de l’armée royale d’Henri III menée par le duc de Joyeuse (1560-1587) face aux troupes inférieures en nombre d’Henri de Navarre, futur Henri IV, les pelotons de d’arquebusiers et de mousquetaires de ce dernier, alors disposés de façon innovante avec la cavalerie des chevau-légers, concourent à sa victoire.

Lors du siège de La Rochelle suivant, en ce milieu de l’an 1621 (règne de Louis XIII), des mousquets allégés font leur apparition, bien qu’ils nécessitent encore l’emploi d’une fourchette lors du tir, ils peuvent désormais être porté par un seul homme.

Peu après la reddition de Montpellier, en ce début novembre 1622, Louis XIII se mit en route pour Avignon, c’est durant ce voyage qu’il ôta leurs carabines à sa Compagnie de Carabins pour les doter des mousquets, ils prirent alors le nom de « Compagnie des Mousquetaires » ce qui fut le point de départ de la légende des « Mousquetaires du Roi » que nous connaissons tous et toutes.

Les défis du mousquet

Le mousquet, bien que perfectionné pour son époque, restait un instrument rudimentaire et contraignant à manier. Avant chaque tir, le mousquetaire devait allumer une mèche à l’aide d’un silex, la maintenir allumée, et la disposer autour du serpentin pour qu’elle atteigne le bassinet, où la poudre s’enflammait grâce à un ressort. Cette procédure, complexe et lente, rendait l’arme peu pratique, tandis que la lueur des mèches trahissait les déplacements nocturnes des troupes.

Chaque mousquetaire portait sur lui des bandoulières contenant douze charges au maximum, ainsi qu’un pulverin et une boîte à poudre pour préparer l’amorce et la charge principale. Une fourche était indispensable pour soutenir le mousquet, dont le poids restait élevé malgré les améliorations.

Cette lenteur d’exécution empêchait les armes à feu de dominer totalement les champs de bataille : frondes, balistes et arbalètes étaient encore couramment utilisées. En complément des mousquetaires, les compagnies comptaient de nombreux piquiers. Tandis que les mousquetaires attaquaient à distance, les piquiers les protégeaient de près, illustrant ainsi la complémentarité de ces deux corps.

Mousquetier vs Mousquetaire

On rencontre de temps à autre en français, notamment chez les rôlistes, le terme de « mousquetier ».

Le terme “mousquetier a souvent été employé nativement en allemand pour désigner un soldat combattant avec un mousquet tout comme « musketier » en allemand et parfois aussi en anglais tout comme « musketeer ».

Les rares emplois du terme « mousquetier » dans des publications en France sont récents et sont souvent des citations tirées d’ouvrages germaniques ou évoquent des mousquetaires allemands, ce qui pourrait laisser croire que son emploi en français est un néologisme sans doute tiré d’une erreur ou une absence de traduction volontaire ou involontaire depuis l’allemand.

Cependant le Dictionnaire de l’Académie française de 1881 confirme l’existence du terme « mousquetier » en français, comme ancien terme militaire : Nom primitif des mousquetaires.

On peut supposer que dès lors que, les gardes à cheval de Louis XIII, la fameuse Compagnie de Carabins du Roi, prirent le nom de « mousquetaires » en 1622 et le devant de la scène, il eut été d’usage plus fréquent d’employer génériquement le terme « mousquetaire » en français et que le terme « mousquetier » a disparu pour ne subsister qu’en allemand.

Chronologie
Charles IX
Louis XIII
Louis XIII
Louis XIII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XIV
Louis XIV
Louis XIV
Louis XIV
Louis XIV
Louis XIV
Louis XVI
Louis XVIII
Napoléon 1er
Louis XVIII
Louis XVIII
1567
1621
1622
1622
1626
1646
1657
1660
1662
1673
1673
1699
1776
1814
1815
1815
1815
Apparition des premiers mousquets
en petit nombre dans l’Armée française puis en augmentation dès 1574. Ces arquebusiers nouvellement équipés de mousquets peuvent être considérés comme les premiers mousquetaires.
Des mousquets plus légers
font leur apparition pouvant être portés par un seul homme même si l’usage de la fourchette reste de rigueur.
Apparition des premiers mousquetaires à cheval
La cavalerie légère française reçoit peu à peu des mousquets en remplacement de ses arquebuses (1621>1622).
Création de la 1ère Compagnie des Mousquetaires du Roi
formée de la Compagnie de Carabins. Voici nos célèbres mousquetaires affublés de leurs casaques bleues à croix blanche.
2ème Compagnie
Le 27 novembre 1626, la deuxième compagnie (les mousquetaires du Cardinal Richelieu) est créée.
Dissolution de la Compagnie
Le 26 janvier 1646, Mazarin, alors Premier Ministre, sous prétexte d'économie, fait dissoudre la Compagnie des Mousquetaires du Roi pour écarter son capitaine, Tréville.
Rétablissement
En janvier, la Compagnie des Mousquetaires du Roi est rétablie par Louis XIV mais sans Tréville. Les mousquetaires sont dotés de chevaux gris ou pommelés.
Retour d'une 2ème Compagnie
A l'occasion du mariage de Louis XIV, Mazarin offre sa garde de mousquetaires au roi qui assurait sa protection, qui prend le nom de "Seconde compagnie de Mousquetaires à cheval de la garde du roi".
Les mousquetaires noirs
La seconde compagnie est dotée de chevaux noirs pour se distinguer de la première compagnie.
Mort de D'Artagnan
lors du siège de Maastricht aux Pays-Bas, le 25 juin 1673.
La Maison rouge
Les Mousquetaires du Roi se parent de rouge et se débarrassent de leur casaque encombrante au combat au profit d’un manteau rouge et d’une soubreveste bleue à croix argentée.
Disparition progressive des mousquetaires à pied dans l’infanterie
Les mousquets sont progressivement retirés aux régiments d’infanterie puis définitivement remplacés par des fusils depuis l’ordonnance de 1703. Les mousquetaires deviennent alors des fusiliers.
Dissolution des Compagnies Royales
A l'arrivée au pouvoir de Louis XVI, les caisses sont vides. La réforme de la Maison Militaire conduit à la suppression des deux compagnies de Mousquetaires du Roi le 1er janvier 1776.
Rétablissement des Compagnies de Mousquetaires du Roi
Suite à l'abdication de Napoléon 1er, Louis XVIII arrive au pouvoir. Il souhaite restaurer le faste de la monarchie en rétablissant la Maison Militaire du Roi et ses mousquetaires.
Dissolution des Compagnies
Lorsque Napoléon reprit brièvement le pouvoir (Cent-Jours), le 20 mars 1815, après son premier exil à l'île d'Elbe, il procède au licenciement de la Maison Militaire du Roi et à la suspension des compagnies de mousquetaires.
Rétablissement éphémère
Suite à la seconde abdication de Napoléon, Louis XVIII est de retour à France en ce 24 juin 1815 et ses compagnies de mousquetaires exilées et éparpillées se reforment sommairement.
Disparition définitive des Mousquetaires du Roi
Le 31 décembre 1815, les compagnies de mousquetaires devenues inadaptées à la nouvelle réforme en marche sont supprimées.

sources :
•  Les Mousquetaires du roi : une troupe d’élite au coeur du pouvoir | Julien Wilmart | 2023
• Histoire de l’infanterie en France | Lieutenant-colonel Belhomme | 1893-1902
• Histoire de l’armée et de tous les régiments | Pascal Adrien | 1860
• Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme | Ludovic Lalanne | 1864-1882
• Histoire de la milice françoise | R.P. Daniel | 1721
• Richelieu et La Monarchie Absolue | G. D’Avenel | 1887
• Crédit/Sources : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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